Rédaction : Nathalie LE STRAT, psychologue du travail, IPRP et formatrice & Prisca BRUNEL, ergonome et formatrice-coach.
Des études réalisées pendant le confinement en France[1] et en Chine montrent que les conséquences de ce confinement ont pu être importantes : 44% des salariés français présentent des signes de détresse psychologique (dont 18% une détresse élevée). ¼ des salariés sont en risque de dépression, pouvant nécessiter un traitement. Les managers semblent particulièrement exposés, car 20% d’entre eux vivent une détresse psychologique élevée.
Le chômage partiel est bien entendu un facteur de risque, puisque 20% des salariés en chômage partiel présente une détresse psychologique élevée. Ce pourcentage passe même à 25% pour les salariés en chômage total.
Par ailleurs, les personnes en situation de détresse élevée considèrent que leur performance s’est dégradée de 50%.
20% des salariés souffrent d’isolement, et le manque de reconnaissance de la part du management ainsi que la difficulté à bien concilier vie professionnelle et vie personnelle figurent parmi les motifs de souffrance les plus importants[2].
L’entreprise, les directions des ressources humaines, et de manière directe, les managers font face à cette détresse psychologique et sont souvent très démunis, car la situation est inédite, et les a poussés dans leurs retranchements. Les salariés auront vécu cette situation exceptionnelle de façon différente les uns des autres. De manière générale, les managers ne sont pas psychologues, et ne doivent pas endosser ce rôle, a fortiori dans cette situation de crise sanitaire qui met à l’épreuve psychologiquement chacun d’entre nous. Cependant, selon l’article L 4121-1, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », donc l’entreprise et les managers doivent préserver la santé des collaborateurs et doivent tout au moins être vigilants à détecter les collaborateurs les plus en difficulté ou en souffrance, afin de les réorienter vers des experts de la santé mentale, comme la médecine du travail ou les services d’écoute téléphonique, qui ont connu un regain d’intérêt dernièrement. Les managers doivent également faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aménager les postes et la charge de travail notamment.
Si chacun a pu vivre de manière très individuelle la situation, il est important pour l’encadrement de proximité de tenir compte de cette diversité de situations, et d’accueillir de façon personnalisée chaque salarié.
Si le manager ne peut et ne doit pas endosser le rôle d’un psychologue, un de ses rôles essentiels est de veiller à maintenir ou favoriser une bonne cohésion d’équipe notamment afin d’optimiser la performance des équipes. Or, cette cohésion depuis ces deux derniers mois a été fortement mise à mal, encore une fois par la diversité de situations. Certains ont été plus exposés que d’autres au Covid 19, ou à la surcharge de travail, ou même à la difficulté à bien gérer leur conciliation vie personnelle/vie professionnelle. Toute cette diversité de situations a pu créer des tensions au sein du collectif de travail, notamment consécutivement à un sentiment d’injustice. Aussi les encadrants seront là aussi en première ligne pour renforcer le collectif de travail et le sentiment d’appartenance mis à mal par le télétravail.
Enfin, le déconfinement n’a pas été suivi de retour au travail pour tous, et le télétravail reste très présent dans un certain nombre d’entreprises et d’administrations, et peut même se pérenniser sur le long terme, comme le montre la décision récente prise par le groupe PSA, dont l’objectif est de ramener à un jour et demi par semaine en moyenne la présence sur site des collaborateurs.
Or, le télétravail dans les circonstances actuelles, exceptionnelles, peut-être source de risques et générer des atteintes à la santé physique et psychique des salariés. Par ailleurs, les effets du télétravail imposé sont différents du télétravail choisi.
La mise en place du télétravail choisi permet d’organiser les cinq dimensions essentielles en lien avec cette activité : l’espace de travail, les équipements dont les outils numériques, l’organisation du temps de travail, les pratiques managériales et le rapport au collectif. Lorsque cette activité est choisie, elle répond à un besoin à la fois du salarié et de l’entreprise. Elle peut soulager par exemple un certain nombre de contraintes comme réduire le temps de transports domicile-travail ou encore offrir la possibilité de se concentrer sans être interrompu.
L’apparition du Covid-19 a bousculé ce mode de travail. Devenu la norme pour un salarié sur 5, le télétravail s’est imposé sans que les salariés en aient envie, sans qu’ils aient eu le temps de penser à organiser un espace de travail, sans qu’ils aient eu le temps d’être équipés tant en matériel de bureau que d’outils informatiques et sans qu’ils soient forcément formés aux nouvelles technologies…
Soudain, le salarié manager ou non, télétravaille chez lui. Sans avoir été accompagné ni d’un point de de vue équipement physique ni d’un point de vue organisationnel : il doit travailler en mode dégradé, performer en période de crise sanitaire et dans un environnement personnel où toute la famille est présente toute la journée.
Les risques encourus sont l’isolement, l’hyperconnectivité, la gestion de l’autonomie. Assurer son équilibre de vie professionnelle et personnelle afin de se maintenir en santé et à rester en alerte pour son équipe sont des enjeux majeurs pour la performance individuelle et collective. Le manager continue de produire et de manager, mais en étant vigilant en plus aux signaux faibles de collaborateurs.
Il s’agit à présent d’informer, former et accompagner ces derniers pour éviter le risque (premier principe de prévention article L.4121-2). Et cette responsabilité est celle de l’entreprise d’un point de vue juridique.
Pour un nombre non négligeable d’entreprises, le télétravail s’est imposé brutalement et une évaluation des risques liés au travail à distance n’a pas pu être réalisée. Un grand nombre de salariés n’a pas eu le temps de prendre du recul sur les bonnes pratiques à mettre en place quand la rupture physique avec l’entreprise et avec les collègues a été si brutale.
Aussi les encadrants de proximité sont-ils particulièrement exposés face à tous ces enjeux humains, qui s’ajoutent encore à la contrainte de maintenir la performance de leur service. Afin d’éviter de mettre en risque les équipes, mais aussi de mettre en risque les managers eux-mêmes, il est important de les accompagner pour faire face à cette situation inédite. Par l’engagement des équipes qui sera renforcé, c’est l’entreprise toute entière qui en sortira grandie.
Pour vous accompagner dans cette période, nos compétences de psychologue du travail et d’ergonome sont à votre disposition afin de préserver la santé au travail de vos équipes.
Nathalie Le Strat et Prisca Brunel
[1] Enquête Empreinte humaine Opinion Way après 3 semaines de confinement, auprès de 2005 salariés représentatifs des salariés français.
[2] Enquête Qualisocial après 6 semaines de confinement, sur une base de 600 salariés ayant utilisé la ligne d’écoute.
https://prevenancerh.fr/portfolio-item/manager-veiller-sante-equipes-apres-confinement/